Culture Livres #18

Les beaux jours incitent à retrouver l’extérieur, mais le charme intimiste des livres garde toute sa séduction – et tant de terrasses invitent à la lecture…


Nouvelles fausses notes
Dans la belle tradition des classiques mi-moralistes, misatiriques, curieux de tout sans a priori pour peu que cela sorte de l’ordinaire et sache toucher, François Debluë livre ici ses Nouvelles fausses notes. Piquantes ou philosophiques, toujours stimulantes, elles portent la marque du poète sensible aux affleurements de l’inspiration, mais surtout celle de l’écrivain qui, ne se résolvant pas à la banalité du monde, capte, au gré de ses vagabondages et de ses rencontres, ce qui séduit – et séduira, une fois passé au filtre d’un esprit sans cesse en éveil…
De François Debluë, L’Age d’Homme, 2016, CHF 23.40

Errance urbaine
C’est un petit ouvrage comme on en voit rarement, un portfolio plutôt, d’une cinquantaine de pages épaisses se détachant par paires, un poème/un dessin. Testant son pouvoir d’avoir quelque chose à exprimer (sic!), Muriel Matthey livre cette plaisante galerie de lieux publics délicatement croqués de Lausanne à New York en passant par Bruxelles ou Edimbourg. Un joli voyage sur un tapis volant de rêveries…
De Muriel Matthey, Ed. A l’envers, 2015, CHF 55.–

Lavage à froid uniquement
A froid? Pour ôter les taches de sang sans doute… Car dans la vie apparemment barbante de cette jeune mère de famille lausannoise (mari psy, frère bizarre, trois gamins dont des bébés jumeaux), l’irruption d’un cadavre dans le local des poussettes va bouleverser bien des choses – ce qu’elle prend avec un humour tonique et pas mal de jugeote question enquête! La plume imaginative et décontractée de cette nouvelle auteure a l’énergie impertinente que l’on aime pour un roman d’été.
D’Aurore Py, Ed. de L’Aube, 2016, CHF 22.40

Percussions
Trente ans, trop jeune pour écrire ses mémoires? Cela dépend de ce qu’on aura retenu du parcours. Pour le narrateur, qu’une jeune soeur soudain dans le coma renvoie brutalement aux souvenirs d’une vie, tout aura été matière à émotions. Sensible comme une plaque photographique, il s’identifie à chaque instant, chaque facette de sa vie… Un Prix Georges-Nicole 2016 amplement mérité pour le premier roman d’un jeune auteur subtil et prometteur.
De Matthieu Ruf, Ed. de L’Aire, 2016, CHF 25.–

Le guide du mieux-être dans sa tête, son corps et sa vie
Le programme affiché par Catherine Braillard, thérapeute à Genève, est vaste: ses façons de l’aborder sont donc diverses, et ses réponses variées! Méditation, hypnose, dissociation, mais aussi alimentation, réalisme ou pardon sont quelques-unes de ses approches des innombrables obstacles à l’épanouissement. Le côté fourre-tout de ce guide, provoqué par la brièveté des notices, est en fait la garantie pour chacun de trouver ici ou là des problèmes qui le concernent… et des solutions douces pour en sortir!
De Catherine Braillard, Ed. Favre, 2016, CHF 27.–

Mourir et puis sauter sur son cheval
S’emparant de quelques maigres lignes évoquant une existence entière, David Bosc s’est glissé entre les pages d’un journal imaginaire pour restituer les aspirations (ou hallucinations?) de Sonia Araquistáin, jeune artiste espagnole réfugiée à Londres où elle se suicida en 1945. Totalement libre de par l’absence d’archives, il ose un portrait flamboyant, au seuil de la folie, d’une beauté à couper le souffle, une ode à l’art de forger ses propres normes lorsque la réalité a platement montré ses limites.
De David Bosc, Ed. Verdier, 2015, CHF 17.60

Radieuse Matinée
En ces temps de contestation populaire pacifique des Indigné(e)s du mouvement Nuit debout, Annik Mahaim a l’excellente idée de replonger dans son passé de «révolutionnaire »! La Lausanne des Trente Glorieuses, la venue à la réflexion politique d’une jeune fille éprise de justice sociale, les joies et déboires de la rébellion et de l’action commune sont ravivés avec intelligence, au prisme d’une vie qui a finalement privilégié la lutte féministe. Une belle et joyeuse leçon d’engagement et de vitalité!
D’Annik Mahaim, Ed. de L’Aire, 2016, CHF 29.–

Histoires du bout du monde en scrutant l’horizon
Voilà un petit grand livre étonnant, relié de toile (c’est rare!), au titre éparpillé sur la couverture… Originalité, poésie, élégance, tout ce qui en fait l’attrait est déjà là. Le jeune auteur, en stage d’insertion au Musée de l’Elysée, y a choisi des photos autour desquelles il a tissé textes et brefs poèmes: son style, vif et foisonnant d’images, emporte dans un tourbillon rafraîchissant qui invite à «regarder» autrement. Et son manuscrit, en fac-similé, est lui aussi une oeuvre d’art!
De Mathias Velati, Ed. Musée de l’Elysée, 2015, CHF 35.–

Le guide mortel
Les beaux jours n’incitent pas à la morosité – c’est donc peut-être le meilleur moment pour songer à nos fins dernières! Pragmatique mais plein de tact, ce petit guide envisage la mort (la nôtre et celle d’autrui) sous tous ses aspects pratiques, administratifs, émotionnels. L’auteure, ellemême active dans diverses activités d’accompagnement du deuil, recense aussi un large éventail d’autres références pour chaque situation. A lire – un jour…
De Sandra Widmer Joly, Ed. Slatkine, 2015, CHF 18.–

Permis C
Pouvait-on encore parler de l’immigration italienne après Les Ritals de Cavanna? Mais oui, et Joseph Incardona a su trouver un ton à lui, désespéré et bravache, pour évoquer à travers le personnage d’André ses souvenirs de gamin étranger et modeste dans une cité-dortoir romande. Racisme, petits caïds, école obtuse, parents désunis, honte et solitude, le portrait de la «Suisse de Schwarzenbach» n’est pas tendre face à cette poignante détresse enfantine. L’écriture, brillamment efficace, venge-t-elle le petit héros?
De Joseph Incardona, BSN Press, 2015, CHF 25.–


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