Entre ciel et terre…

C’est sur le tard qu’une ancienne fleuriste fait son entrée dans le monde de l’art. Découverte, dans le canton de Vaud, par un expert venu estimer un vieux tableau, c’est sur les collages flamboyants de Laurie Gonard que l’homme tombe en pâmoison! Car l’artiste nous plonge voluptueusement dans un univers onirique, telle Alice au pays des merveilles…

Quel effet cela fait de passer, soudain, de l’ombre à la lumière?
Je ne m’y attendais pas du tout. Nous avions un tableau à vendre, mais n’avions aucune idée de sa valeur. Lorsque le commissaire-priseur est venu pour l’estimer, il a repéré mes collages dans un coin et m’a dit qu’il aimerait les exposer. Honnêtement, je ne pensais pas que mes collages puissent susciter un quelconque intérêt. Ça m’a procuré une grande joie d’être évaluée, non plus par mes proches, mais par un homme dont c’était le métier. Quelle reconnaissance!

Quelle influence votre vie de fleuriste a-t-elle eu sur votre vie d’artiste?
Je suis issue d’une famille d’horticulteurs, je ne suis pas née dans les choux mais dans les fougères! J’ai grandi au milieu des plantes, alors devenir fleuriste était assez naturel. J’ai toujours aimé faire des compositions florales, assembler les couleurs comme des camaïeux et j’adopte exactement la même démarche avec mes collages. Chaque couleur se fond dans la suivante pour ne faire qu’un…

Vos collages regorgent de détails narratifs… Que cherchez-vous à raconter et à transmettre?
J’essaie toujours d’aller du côté positif des choses, le «beau», la lumière… C’est une philosophie de vie qui s’est certainement accentuée avec la maladie à laquelle j’ai été confrontée, mais c’est vraiment ce que j’essaie de traduire dans mes collages. Lorsque je démarre, je ne sais pas où je vais. Je feuillette de vieux livres jusqu’à ce que les images résonnent en moi. Alors je les assemble comme les fleurs d’un bouquet et quand l’ensemble me procure de la joie, je sais que le tableau est abouti. L’Offrande, qui représente une femme au-dessus de laquelle semble éclater, comme un cri, quelque chose de plus grand qu’elle et d’extrêmement généreux, est assez représentatif de cet état. Ceci dit, mes collages racontent aussi des histoires, en tout cas celles qu’on s’imagine. Lorsque je colle une fenêtre entrouverte, tous les scénarios sont possibles…

Il y a un côté un peu rétro dans le choix de vos images, comme une recherche du temps perdu. Ça vient de quoi?
Peut-être une certaine nécessité de revenir à «ce qui est». La nature est, pour moi, une source inépuisable d’inspiration car tout est parfait en elle. Il y a, aussi, une raison nettement plus matérialiste, c’est que je choisis souvent de vieux livres pour leur papier plus épais et plus résistant. Du coup, les images et les couleurs sont souvent celles du passé, mais j’avoue que je n’aime pas les images trop nettes, trop figées qui laissent peu de place à l’imaginaire.

Hormis la nature, quelles sont vos sources d’inspiration?
La foi qui est au fond de moi. J’ai l’impression de faire partie d’un tout et j’ai envie de le partager. Vous savez, j’ai beau avoir pas mal de racines aux pieds, j’ai aussi beaucoup de ciel dans la tête…


2007: Visite l’exposition «Entre ciel et terre» de Marc Chagall. «Un vrai choc! J’étais très touchée par les symboles présents dans ses tableaux. Cela a certainement influencé mon travail.»
2011: Reçoit une greffe d’organe. «C’est la fin d’un combat et le début d’une période prolifique côté artistique. Je faisais du collage compulsif!»
2017: Rencontre avec Pierre-Yves Gabus. «Il a cru en moi et a exposé mes collages. C’était totalement inattendu!»
2030: A 78 ans, déjà! «Je réalise des collages à la demande, en fonction des histoires que l’on me raconte…»

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