Souffler n’est pas jouer!

Inutile d’être bâti comme un colosse pour devenir souffleur de verre. Avec son 1,63 m et ses 53 kg, Valérie de Roquemaurel a le métier dans la peau! Au point d’en porter les stigmates qui rappellent que cela comporte, aussi, des risques… Interview en trois temps.

—Hier, où étiez-vous?
A Toulouse où j’ai grandi. J’ai gardé un souvenir très net de mon enfance, à 5 ans, quand ma maîtresse a conseillé à ma mère de me diriger vers une voie artistique. J’ai pris un tas de cours de dessin, de peinture, de sculpture… Plus tard, je suis entrée à l’université d’arts appliqués, mais j’avais tellement peur de finir derrière un ordinateur que je suis partie en stage chez un souffleur de verre. J’ai toujours eu une fascination pour ce matériau et pour les jeux de lumière qui s’y rapportent (je collectionnais des rétroviseurs cassés, c’est dire!). Je devais rester 3 semaines en stage, j’y suis restée 8 mois. J’ai fini ma maîtrise, puis j’ai suivi une formation d’art verrier en repartant de zéro!

—Aujourd’hui, qu’est-ce qui vous motive?
Je me suis brûlée le buste, j’ai vu un atelier prendre feu et je dirais que 80% de ma vie est faite d’angoisse, mais la passion l’emporte sur tout! Je ne pensais pas pouvoir exercer ce métier en tant que femme, car c’est très éprouvant physiquement. La température des fours dépasse les 1300 °C, le verre se travaille à l’état liquide à 900 °C, ce qui impose une musculature particulière pour le tourner. On dit qu’on se bat avec le verre les 5 premières années et, qu’après, on danse avec lui! C’est tout à fait juste… Le verre en fusion est le prolongement du corps. Si vous dansez avec lui et que vous restez fluide, vous obtiendrez une pièce magnifique. J’aime travailler les grosses pièces comme les vases monumentaux et les luminaires pour cette combinaison incroyable verre/ lumière, mais je travaille aussi des bijoux ou les arts de la table, tout dépend de la demande.

—Demain, où en sera votre métier?
Je pense qu’il devra s’adapter aux contraintes environnementales, car il est gourmand en énergie. Il faut envisager de travailler avec des panneaux solaires, mais il entre quand même dans cette logique du «consommer moins, mais mieux». On prend davantage soin de verres artisanaux qu’industriels! Peut-être qu’on verra aussi plus de femmes dans le métier, j’ai l’impression qu’elles sont plus nombreuses dans les formations. J’essaie de promouvoir cet art à travers une association que j’ai créée, des ateliers de perles au chalumeau et des portes ouvertes régulières dans mon atelier à Pomy… Bref, je ne suis pas à bout de souffle!

Exposition du 6 au 10 novembre 2019 au Montreux Art Gallery. Portes ouvertes tous les mercredis de 14h à 18h et le 1er samedi du mois de 14h à 17h, jusqu’au 23 décembre 2019, à l’Atelier Chemin de Clon 24, 1405 Pomy.
www.valeriederoquemaurel.com


PHOTOS: © A.LOPEZ/© QBACCHUS/© CBREGNARD