Dé-charge mentale

Vite terminer la présentation de demain, lancer encore une lessive en rentrant, ne pas oublier de prendre rendez-vous pour le vaccin du petit dernier… Ça vous parle? Remis au goût du jour en 2017 grâce à la BD Fallait demander qui a fait le buzz sur la toile, le concept de «charge mentale» a permis d’interroger cette injonction invisible qui pèse (surtout) sur les femmes et les mères, de devoir penser à tout, tout le temps, pour tout le monde. La bonne nouvelle? Il existe de nombreuses clés pour s’en libérer! Petit tour d’horizon.

Clé no 1: Oser compartimenter
Et surtout, se libérer de l’image de la «wonder woman multi-tâche», à la fois épouse, femme d’affaires et mère parfaite, capable d’anticiper les attentes et de répondre à toutes les sollicitations, en tout temps. Apparue dans les années 80 pour décrire l’intensification du travail et les conséquences psychiques provoquées notamment par la tyrannie des mails et l’urgence des demandes toujours plus nombreuses, la charge mentale se définit par un flot constant et ininterrompu de tâches à accomplir. Or, petit à petit, elle devient aussi une incapacité à faire la part de choses. Dans son livre La charge mentale des femmes… et des hommes, la psychiatre Aurélie Schneider rappelle que, pour la sociologue Monique Haicault, la charge mentale se cristallise au moment où «l’univers professionnel et l’univers domestique […] empiètent l’un sur l’autre». Le secret pour retrouver l’équilibre? Oser compartimenter sa vie et s’autoriser à être, de temps en temps, pleinement présente à une seule chose, quitte à en oublier de préparer le dîner (oui, oui, vous pourriez être surprise!)…

Clé no 2: Revenir à soi
Si la mère parfaite n’existe pas, les racines du mythe sont, elles, bien réelles. En 2017, l’Insee constatait ainsi dans son ouvrage Femmes et hommes, l’égalité en question, qu’une personne sur deux considérait encore les femmes comme plus à même de répondre aux besoins des enfants que les hommes. Pire: la «vocation parentale des femmes [serait] la clé de voûte permettant l’articulation entre des compétences déclarées identiques et une division sociale du travail toujours largement organisée en fonction du sexe des individus». Rien d’étonnant alors dans ce chiffre de 2021, en Suisse, qui veut que 80% des tâches domestiques soient encore assumées par les mères?
Pour Patricia Mignone, les femmes sont prisonnières de leur rôle de «bonne mère», qui n’a d’autre choix que de se sacrifier pour sa famille. Un statut qui leur confère toutefois un certain pouvoir: «sans que l’on s’en rende compte, l’espace du foyer devient l’espace privilégié de l’exercice d’un pouvoir domestique»¹, constate l’auteure et formatrice belge. Ce n’est donc qu’en refusant ce sacrifice-contrôle pour revenir enfin à soi, à ses besoins et à ses envies (sans culpabiliser!) qu’un véritable changement peut s’opérer.

Clé no 3: Lâcher prise
Cette troisième clé est directement liée à la seconde. Lorsque je décide de prendre soin de moi ou d’accorder plus de temps à mes projets personnels, j’accepte par la même de faire entièrement confiance à mes proches ainsi qu’à leur manière d’agir au sein du foyer et de son organisation, avec la promesse de ne pas repasser derrière eux ensuite. Eh oui, ceci pourrait en effet compromettre toute leur bonne volonté. Le mieux? Apprendre à communiquer avec son partenaire (et ses enfants), oser demander de l’aide et surtout, répartir les tâches avant que les premières tensions n’apparaissent. Oui, le timing compte! On privilégiera donc un moment où les deux sont détendus, ouverts à une discussion bienveillante. Comme le suggère la coach et auteure du livre Exit la charge mentale Marie-Laure Manneret, l’idée n’est pas de chercher l’égalité à tout prix, mais plutôt de trouver une répartition des rôles qui soit équitable, en fonction des capacités et des envies de chacun. Dernier petit conseil: afin d’alléger rapidement et facilement votre agenda, rien de tel que d’interroger régulièrement ses petites habitudes et obsessions, pour en évaluer la pertinence. Ma journée va-t-elle réellement être gâchée si je n’ai pas pu faire mon lit (et celui des enfants)? Pas sûr…

¹https://madamechargementale.com/charge-mentale/charge-mentale-le-mythe- de-la-bonne-mere/

PHOTO: WWW.SHUTTERSTOCK.COM_DRAZEN ZIGIC