Culture Livres #36

Passé le tourbillon des Fêtes, qu’il est doux de savourer l’hiver un livre entre les mains, de faire de belles rencontres sans quitter son nid de lecture…


Pour une part d’enfance
Donnant au genre «poèmes sur l’enfance » un tour bien éloigné des mièvreries habituelles, François Debluë livre un recueil à la fois puissant et délicat sur le souvenir des émotions enfantines. Rythmés par les étapes de la découverte, les fragments poétiques éclairent avec acuité l’évolution d’un petit d’homme forgeant maladroitement, mais sans se décourager, les outils de compréhension du monde et de soi. L’innocence, la candeur, le rire, mais aussi le trouble et la peur se partagent l’imaginaire, façonnant avec une rare subtilité une enfance qui annonce et justifie le poète à venir.
François Debluë, Empreintes, 2017, CHF 29.–

L’argent noir
Quand l’argent coule sur la riviera lémanique, la vie y prend des airs de jet-set et de dolce vita. Quand la ruine menace, que la famille explose, les responsabilités se dérobent: quel complot – forcément, sinon quoi? – peut ainsi briser les rêves en plein vol? Satire grinçante et angoissée d’une élite suisse trop sûre d’elle, L’argent noir, premier roman d’un ex-golden boy qui a dû puiser dans certains souvenirs, n’est pas sans rappeler le mythique Mars de Fritz Zorn: pas mal, pour un début!
Giovanni Garro, Hélice Hélas, 2017, CHF 26.–

A table autour des Alpes
Tout comme le bassin méditerranéen, les Alpes sont un monde en soi, qui se rit des frontières et cultive son identité. C’est ce que démontre ce recueil d’appétissantes recettes montagnardes, que les auteurs sont allés collecter aussi bien en Valais ou en Engadine qu’en Haute-Savoie, dans la Vallée d’Aoste ou au Piémont: bien que séparées par d’austères sommets, la Suisse, la France et l’Italie ont en commun les fromages d’alpage, les fruits des bois et des vergers, le gibier, les châtaignes… et de simples mais succulentes manières de les apprêter!
Rachel Best, Jean-Christophe van Waes, Slatkine, 2017, CHF 34.–

La dernière gorgée de bière
Sur la couverture, le profil perdu – mais si reconnaissable – regarde ailleurs, plus loin. Lorsque ses lecteurs découvrent La dernière gorgée de bière, son auteure est déjà partie… Gracieuse, médiatique et drôle, Ariane Ferrier a souhaité couper court aux lamentations en laissant ce récit sans fard d’une lutte contre le cancer aussi ironique que percutante. Pour donner sens à la souffrance, cette chroniqueuse dans l’âme a plaqué son ton joyeusement désinvolte sur des confidences, réflexions, encouragements et dénonciations qui révèlent avec aplomb son «scandaleux» goût de vivre et de faire sourire. Merci, Ariane!
Ariane Ferrier, BSN Press, 2017, CHF 20.–

L’Homme en veste de pyjama
Du théâtre, Antonin Moeri a gardé le goût des approches obliques, des dialogues révélateurs, des jeux de miroirs surtout. Et quel kaléidoscope extraordinaire que ce nouveau roman, qui ajuste avec une magie diabolique les bribes de vie du narrateur! Une vie plutôt ratée, que ce soit dans ses aspirations amoureuses, artistiques ou sociales, mais dont la platitude carrée prend un formidable relief sitôt par terre ses éclats inégaux, anguleux et mélangés. Et plus l’homme se raconte, plus la veste de pyjama évoque la camisole de force, mais dans une divagation mi-drolatique mipoétique merveilleusement ciselée.
Antonin Moeri, Bernard Campiche, 2017, CHF 31.–


EN VENTE DANS LES LIBRAIRIES PAYOT. www.payot.ch